L'espoir du pire

 Elections israéliennes: l’espoir du pire

 (2002)

 

    Mes pauvres concitoyens, ils ont tellement besoin de clarté. Un peu de lumière, s’il vous plaît - seule l’obscurité se fait jour.

    Une paix entre Israéliens et Palestiniens est-elle possible ? Ehud Barak a conçu Camp David afin d’apporter à cette question une réponse univoque. Succès : « J’ai réussi à démasquer Arafat, jubile-t-il sur toutes les ondes. Il ne veut pas la paix ni ne la peut. La preuve : je lui ai proposé tout et il a répondu par la terreur. »

    La page Barak est tournée, mais la question ne l’est pas, répétons-la : Une paix est-elle possible ? Nos sondés sont divisés, les uns affirmant que Non !!! Enfin, non mais..., les autres étant plus mesurés : Bien sûr que oui ! Enfin, ça dépend. Ce sont souvent les mêmes.

   Font-ils preuve de prudence, en abandonnant la prophétie aux enfants et aux sots, comme le préconise le Talmud? Vœux pieux. Ils ne sont pas sages, les malheureux, juste déboussolés. Et ils ont la bonne raison de l’être : le repas qu’on leur sert ne respecte pas, mais pas du tout, les règles élémentaires de la science expérimentale. « Le bonheur, pour un biologiste, consiste à mettre au point une expérience très complexe et la refaire tous les jours en ne modifiant qu’un détail » (Al Hershey).

   Un seul détail ! Car en en modifiant deux ou plus, le résultat est difficilement lisible. Or depuis trois ans, pour faire raccourci, Israël s’est transformé en un laboratoire dont les chercheurs ne respectent pas cette sagesse minimale. Au lieu d’avancer un pion à la fois, ils mélangent tout : un parti de droite s’est acoquiné avec un parti de fausse gauche pour mener une politique brutale, elle-même critiquée comme timorée par l’extrême droite. Résultat : une catastrophe diagnostiquée telle par tous. Les infortunés gouvernés sont réduits à désigner le coupable. Et c’est là que le bât blesse : il y a trop de candidats. La droite, la « gauche », les colons, les accords d’Oslo, George W. Bush, le destin juif. Afin de ne pas laver le linge sale devant le goy, ils accusent Arafat en chœur, mais n’y croient qu’à moitié. Au quart. Et même si c’était lui, le méchant, en quoi cela nous arrangerait ?

   La solution, il n’y a qu’une : la clarté. Ces pauvres Israéliens ont besoin d’y voir clair d’urgence. Voir quoi ? Les liens de cause à effet.

   L’ennemi absolu, on l’aura compris, a pour nom « gouvernement d’union nationale ». Restent deux scénarios : gouvernement de gauche, gouvernement de droite. Donc un seul, car même auréolée de guillemets, la « gauche » n’a aucune chance de l’emporter. 43 sièges sur 120, elle n’obtiendra pas un de plus. Pourquoi ? Parce que l’Israélien moyen étant de droite, c’est-à-dire nationaliste, raciste, méprisant les faibles (quand il est déshérité lui-même, cela ne fait qu’exacerber son mépris pour ses semblables), il préfère l’original à la copie pâle. (Pour le protocole : son collègue français vole tout  aussi bas ; seul son pouvoir de nuisance est moindre. D’ailleurs, selon le darwinisme vulgaire, tout organisme serait de droite...)

   Pourquoi l’Israélien moyen est-il de droite ? Parce qu’il n’a pas assez souffert d’avoir laissé libre cours à ses pulsions naturelles ; pas encore, patience. C’est affligeant, mais on n’est pas là pour se lamenter, c’est déjà fait.

   J’en arrive à l’addition, elle est salée mais arithmétique. Un homme de qualité, adepte des Dix Commandements et de la logique aristotélicienne, est acculé à se boucher les orifices et prier pour la victoire de la droite. Une victoire nette, massive, qui étouffe dans l’œuf toute velléité d’« union ».  

   Les trois mois qui viennent de s’écouler prouvent, à qui en doutait, que même sans les Travaillistes, la politique n’a guère changé. Elle est brutale, mais pas plus qu’avant. Elle est donc de droite, et elle continue à mener le pays droit dans le mur. Encore un effort, messieurs. Une telle expérience, conduite avec rigueur un an durant, a des chances de se solder par mille nouvelles morts, un  demi million de chômeurs, des hôtels vides et un Tribunal de La Haye hyperactif. Cela finira bien par ouvrir les yeux à ces Israéliens, n’est-ce pas ? Pour cela, il suffit qu’ils se découvrent plus égoïstes que racistes, et préfèrent leurs intérêts, dont la survie, à leurs haines et phobies. Bref, qu’ils ne cherchent pas à imiter Samson le Héros qui, enchaîné dans le temple de Gaza, l’effondra en hurlant : « Que mon âme périsse avec les Philistins ! » Sinon, ce serait à désespérer pour de bon du fameux génie juif.

 

P.s. La région dispose en réalité de deux moyens d’intensifier le pire pour abréger son calvaire. Le premier, on l’a vu, est une droite israélienne pure, dure et fière de l’être. Le deuxième est non moins abject : un terrorisme palestinien sanglant, aveugle et efficace. Ce dernier étant du ressort de l’adversaire, je l’abandonne à son âme et conscience.

   

P.s. Tu vas donc voter pour la droite, ce 28 janvier ? Ca non. Toi si Cartésien ?! Le cœur, vous savez, il a ses raisons…

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