We Are the Champions (Goliath)

 

"We Are The Champion(s)"

 

  Le champion est à l'origine le délégué d'un groupe ou d'une cause - le champion est la synecdoque sur le champ de bataille, d'où son nom. Mais quel type de synecdoque?

  "Du camp philistin sortit l'intermédiaire (l'hébreu dit "homme de médiation"), Goliath fut son nom, il mesura six amoth et zereth... Il se dressa devant le camp israélite et leur dit: Pourquoi vous battre? moi, je suis Philistin et vous, vous êtes les esclaves de Saul. Choisissez un homme, qu'il descende vers moi. S'il peut m'affronter et me frapper, nous serons vos esclaves, et si je le battrai, vous serez nos esclaves" (Samuel I, XVII, 4, 8-9).

  Que la réputation faite à Goliath ne cache pas la noblesse de son raisonnement. Trois millénaire avant Catch 22, il proclame la primauté de la vie, même soumise, à toute mort, même fière. Au lieu du bain de sang dont la Bible traditionnellement nous gratifie: chaque bataille s'y solde par des dizaines de milliers de victimes -, le scénario écrit par Goliath ne coûtera qu'une vie humaine une seule.

  Mieux. Comme le dit Goliath si bien, il n'y a que les Philistins qui risquent de perdre dans l'affaire, car eux sont des hommes libres, alors que les Israélites, qui viennent de s'offrir (à) un roi, sont de ce fait déjà esclaves; en cela il ne fait que rejoindre l'analyse de la monarchie que leur a faite le vieux Samuel, avant d'oindre Saul: "Le futur roi taxera vos biens et vous deviendrez ses esclaves", (VIII, 17). Quoi qu'il advienne, vous aurez la vie sauve, leur promet le géant, tout au plus subirez-vous un changement de maître.

  "Saul ("le plus haut de la nation" - IX, 2) et tout Israël entendîmes les propos du Philistin et furent pris de frayeur et de terreur". Pourquoi? La réponse toute faite attribue leur terreur aux mensurations de Goliath: son armure pèse cinq mille shekalim, son sabre est comme ???, le sabre pèse six cent shekalim, etc.

  Pourtant le gigantisme de Goliath ne justifie pas la torpeur des Israélites. Car qui les obligea à accepter son marché? Ils auraient pu l'envoyer promener, pour se lancer dans une guerre classique, camp contre camp, qui leur a souvent pas mal réussi.

  Des exégètes prétendent que les Israélites craignaient la possible représentativité de Goliath - et si tous les Philistins étaient pareils? Mauvaise lecture: après tant de frictions avec leurs voisins du sud, les Israélites en ont déjà fait le tour physiologique.

  Si les Israélites sont ainsi pétrifiés, c'est que l'argument de Goliath est séduisant, ils ne peuvent ne pas y succomber. La preuve, une fois son offre entendue, leur seul souci, et quel souci, est de se donner un champion à même d'affronter le béhémoth. Un champion, le cas de Goliath faisant foi, n'est pas l'échantillon représentatif de son camp, mais le membre capable de lui tenir lieu par son altérité même. La mission des Israélites, apparemment impossible, est de nommer un délégué aussi monstrueux que Goliath.

  Mais impossible n'est pas biblique, à ceci près que le ER n'est jamais nommé, il s'auto-proclame. Goliath n'a pas été élu au suffrage universel, ni David. Le monstre philistin l'est par hyperbole? au lieu d'un Samson bis, le monstre israélite le sera par litote, voire par inversion; Goliath est un superman? David sera l'anti-soldat. Il part au combat sans armure, sans arme conventionnelle, sans expérience militaire; et il est si jeune, le huitième fils de Ishaïe dont seuls les trois aînés sont mobilisés, qu'entre lui et la conscription il y a quatre frères!

  Justice poétique fut faite, le plus extraordinaire, le plus monstrueux des champions l'a emporté. C'est alors que le ER apparaît dans toute sa puissance performative. La défaite de Goliath est la défaite de son camp tout entier: "Ayant vu que leur héros était mort, les Philistins ont pris la fuite"; le gentelmen agreement devenant de ce fait caduque, les Israélites ne se privent pas de les pourchasser et de les massacrer. Qui est l'auteur de cette boucherie? La synecdoque: "A leur retour (à Jérusalem), quand David revint après avoir frappé le Philistin, les femmes de toutes les villes d'Israël sortirent devant le roi Saul et chantèrent: Saul tua par milliers, David, par dizaines de milliers" (XVIII, 6-7).

 

  Grandeur et décadence de la synecdoque. La Bible ne reconnaît que le champion solitaire, aujourd'hui tous les stades du monde chantonne en choeur le hymne de Queen: "We Are the Champions". La Bible n'admet que l'Election à candidat unique: avec l'échec du peuple élu, si échec il y a, la place de l'Elu est à jamais vacante, n'en déplaise au "Nouveau peuple d'Israël"; alors que la démocratie de marché nous réduit aux élections qui bon an mal an accouchent leur lot d'heureux élus.

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